Impacts de la réduction du temps de travail (RTT) sur les conditions de travail en France

Selon la catégorie socioprofessionnelle, l’appréciation des salariés sur la RTT et ses effets sur leurs conditions de travail n’est pas la même, d’après une nouvelle étude de la DARES. Les cadres et professions intermédiaires ont une perception positive, tandis que les employés et ouvriers déclarent avoir une charge de travail plus importante.

La durée du temps de travail a baissé en France depuis 1996. Selon une enquête du Ministère français de l’emploi, réalisée par la DARES (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), l’appréciation des salariés sur leurs conditions de travail n’est pas homogène..

• Ainsi, ce sont surtout les cadres et professions intermédiaires qui ont une perception positive de l’évolution des conditions de travail depuis la RTT: ils gèrent librement leur temps de travail, les objectifs n’ont pas changé, des embauches ont été réalisées, leurs relations avec les collègues se sont améliorées.

• Un autre groupe de salariés déclare que la RTT n’a rien changé pour eux, c’est le «statut quo». Ces salariés se retrouvent dans toutes les catégories socioprofessionnelles ou les secteurs d’activité.

• Enfin, un troisième groupe affirme que ses conditions de travail se sont dégradées. Ce sont des employés ou des ouvriers, hommes ou femmes, et ils sont généralement soumis à des contraintes horaires fortes et des contraintes organisationnelles strictes. De plus, leurs contraintes personnelles n’ont pas été prises en compte. Ainsi, les nouvelles organisations mises en place ont accru l’intensité du travail.

Changements organisationnels

Les changements organisationnels les plus fréquemment déclarés par les salariés sont:

• l’accroissement de la polyvalence (48%);

• des changements dans les procédures de travail (38%);

• une révision des tâches (38%);

• l’utilisation des nouvelles technologies (36%);

• la mise en place du travail en équipe (32%).

Les cadres sont les plus nombreux à citer ces changements, notamment les nouvelles technologies (57%) contrairement aux salariés peu qualifiés (21%).

L’accroissement de la polyvalence, les changements de tâches ou de procédures sont plutôt associés à une dégradation. Pour les femmes, cette dégradation est moins importante que pour les hommes.

Au contraire, les recours aux nouvelles technologies, l’introduction de nouvelles équipes ou le développement du travail en groupe vont de pair avec un sentiment d’amélioration.

Intensité du travail

Le travail apparaît souvent plus intense, surtout en l’absence d’embauches. Ainsi, un salarié sur cinq déclare avoir vu ses objectifs révisés à la hausse et un sur six les délais pour faire son travail raccourcis. De manière générale, 44 % des salariés déclarent manquer de temps pour faire leur travail.

Par contre, le renforcement des procédures peut aider les salariés à construire des repères, orienter leur activité et délimiter leurs responsabilités. Parallèlement, les résultats des enquêtes sur les conditions de travail analysés par la DARES dans Organisation des horaires de travail - Résultats des enquêtes Conditions de travail de 1984, 1991 et 1998 (N° 1/2, 2000) confirment une montée des marges de manœuvre des salariés et le rôle de la RTT dans le desserrement des contraintes. Les salariés déclarent, en effet, pouvoir mieux s’organiser dans leur travail depuis la RTT: 40% des salariés qui se sentent plus autonomes déclarent une amélioration de leurs conditions de travail (notamment les cadres et les professions intermédiaires).

La qualité du collectif de travail est un autre élément déterminant de l’appréciation des salariés: selon la fréquence des échanges avec les collègues, les conditions de travail se dégradent ou s’améliorent.

Impact sur les femmes

Les femmes cadres semblent être les salariés pour lesquels la RTT a induit le plus de bouleversement. Une forte proportion d’entre elles exprime un sentiment d’amélioration des conditions de travail (42%) et une minorité fait état d’une dégradation (19%). Mais c’est chez les femmes non qualifiées que l’impact de la RTT sur les conditions de travail est particulièrement négatif (31% contre 21%).

Équilibre vie privée-vie professionnelle

Enfin, en ce qui concerne le lien travail et hors-travail, un tiers des salariés disent mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, quatre sur dix passent plus de temps avec leur conjoint et la moitié des parents d’enfants de moins de 12 ans en consacrent davantage à leurs enfants depuis la RTT.

Cette amélioration peut compenser, d’une certaine mesure, la dégradation perçue dans le domaine professionnel.

Source: DARES: « Premières informations et première synthèses», Nº 24, 1, juin 2003.