Profil de Chypre sur la vie active
Ce profil décrit les principales caractéristiques de la vie professionnelle à Chypre. Il vise à fournir des informations de base pertinentes sur les structures, les institutions, les acteurs et les réglementations pertinentes concernant la vie professionnelle.
Il s’agit notamment d’indicateurs, de données et de systèmes réglementaires sur les aspects suivants : acteurs et institutions, relations collectives et individuelles de travail, santé et bien-être, rémunération, temps de travail, compétences et formations, égalité et non-discrimination au travail. Les profils sont systématiquement mis à jour tous les deux ans.
La préoccupation centrale des relations de travail est la gouvernance collective du travail et de l’emploi. Cette section porte sur la négociation collective à Chypre.
Le droit à la négociation collective est garanti et sauvegardé par la Constitution de 1960. En particulier, l’article 26, paragraphe 2, de la Constitution dispose qu'«une loi peut prévoir des conventions collectives de travail dont l’exécution est obligatoire par les employeurs et les travailleurs, avec une protection adéquate des droits de toute personne, qu’elle soit ou non représentée lors de la conclusion de cet accord ».
Toutefois, en l’absence de droit applicable, les conventions collectives conclues jusqu’à présent sont considérées comme des « gentlemen’s agreements ». Cela implique que la partie réglementaire des accords – les conditions régissant les questions de rémunération et de conditions de travail, ainsi que d’autres questions découlant de la fourniture de main-d’œuvre – n’a aucun effet direct ou obligatoire sur les travailleurs.
Dans la pratique, le système de libre négociation collective mis en place dans le cadre de l’IRC s’applique aussi bien au secteur privé qu’au secteur semi-public.
Malgré une nette tendance à la décentralisation de la négociation collective, comme l’ont signalé les syndicats et les associations patronales, une situation mixte persiste à Chypre, dans laquelle les niveaux de négociation alternent entre le niveau sectoriel et le niveau de l’entreprise. Dans ce contexte, il est assez difficile d’évaluer quel est le niveau prédominant, principalement en ce qui concerne le taux total de couverture des négociations. Plus précisément, malgré la prépondérance numérique du niveau de l’entreprise, le niveau sectoriel est considéré comme tout aussi important, sinon plus, en ce qui concerne la couverture.
Les données disponibles sur la couverture de la négociation collective sont fragmentées et proviennent de sources diverses, tandis que les méthodes de collecte et de traitement sont inconnues. Dans ce contexte, il est problématique de citer des données spécifiques, alors qu’il est extrêmement important de faire la différence entre le secteur public/parapublic, où la proportion de couverture atteint près de 100 %, et le secteur privé. En ce qui concerne le secteur privé, sans fournir de chiffres exacts, les syndicats ont signalé qu’il y avait une tendance à la diminution de la couverture des négociations depuis 2007 et que le rythme de cette tendance n’a cessé d’augmenter depuis 2010. Cette tendance s’est accentuée au cours de la récente crise économique.
Couverture de la négociation salariale collective des salariés
| Level | % (year) | Source |
| All levels | 43.3 (2016) | OECD/AIAS ICTWSS database 2021 |
| All levels | 61 (2013) | European Company Survey 2013 |
| All levels | 35 (2019) | European Company Survey 2019 |
| All levels | 49 (2010)* | Structure of Earnings Survey 2010 |
| All levels | 44 (2014)* | Structure of Earnings Survey 2014 |
| All levels | 36 (2018)* | Structure of Earnings Survey 2018 |
Remarque: * Pourcentage d’employés travaillant dans des unités locales où plus de 50 % des employés sont couverts par une convention collective salariale par rapport au nombre total d’employés qui ont participé à l’enquête.
Sources : Eurofound, enquête sur les entreprises européennes 2013 et 2019 (y compris les entreprises du secteur privé comptant des établissements de >10 salariés (codes B–S de la nomenclature des activités économiques (NACE)), avec plusieurs réponses possibles ; Eurostat [earn_ses10_01], [earn_ses14_01], [earn_ses18_01], enquête sur la structure des salaires 2010, 2014 et 2018 (y compris les entreprises de >10 salariés (codes NACE B à S, à l’exclusion des codes O), avec une réponse unique pour chaque unité locale) ; OCDE et AIAS (2021).
À Chypre, la négociation collective se déroule au niveau sectoriel et au niveau de l’entreprise. Au niveau sectoriel, des négociations directes ont toujours lieu entre les partenaires sociaux, dans la plupart des cas entre les deux plus grandes confédérations du côté des travailleurs (PEO et SEK) et la CEO du côté des employeurs. Au niveau de l’entreprise, les conventions collectives sont rédigées et négociées, généralement directement, entre les représentants syndicaux et l’employeur, mais dans un certain nombre de cas avec l’aide de l’association patronale affiliée à l’entreprise.
Niveaux de négociation collective, 2022
National level (intersectoral) | Sectoral level | Company level | ||||
Wages | Working time | Wages | Working time | Wages | Working time | |
| Principal or dominant level | X | X | ||||
| Important but not dominant level | X | X | ||||
| Existing level | ||||||
Articulation
L’articulation entre les deux niveaux de négociation est plutôt faible. Par conséquent, la négociation au niveau sectoriel ne constitue pas la base de la fixation des salaires à un niveau plus spécifique, tel que le niveau de l’entreprise.
Le moment où la négociation collective a lieu n’est pas fixé. Néanmoins, sur la base des dispositions de l’IRC, la partie qui souhaite modifier une convention collective existante doit donner à l’autre partie un préavis d’au moins deux mois de son intention de le faire, avant son expiration, et accompagnée d’une liste de réclamations ou de modifications. La seule exception est lorsque, dans le cas des petites entreprises, une procédure différente est stipulée dans la convention collective.
Lorsque les deux parties en conviennent, la convention collective existante continuera d’être en vigueur pour une période égale à la durée du retard dans la présentation des réclamations si ce délai n’excède pas 15 jours. Si la partie qui cherche à modifier une convention existante n’a pas donné avis de son intention de le faire, la convention collective demeure en vigueur pour une autre année.
En raison de la crise économique, l’un des objectifs des organisations patronales est la conclusion de conventions collectives de travail à plus long terme, ce que les syndicats recherchent également. Les syndicats estiment toutefois que la durée des conventions collectives devrait être plus courte, car de nombreuses dispositions sont jugées temporaires en raison de la crise économique.
Bien qu’il n’y ait pas de coordination opérationnelle entre les différents niveaux de négociation, dans quelques secteurs d’activité économique, tels que l’hôtellerie, la métallurgie et la construction, la négociation collective constitue la base de la fixation des salaires dans d’autres secteurs d’activité économique, qu’ils soient sous-sectoriels ou au niveau de l’entreprise. Cela signifie que ces secteurs sont considérés de manière informelle comme des secteurs de prédilection.
Les conventions collectives ne s’appliquent qu’aux membres des parties signataires. Toutefois, à Chypre, il n’existe pas de disposition juridique générale prévoyant l’extension obligatoire des conventions collectives, ni d’équivalent fonctionnel.
Le gouvernement Christofia a présenté, en février 2013, un projet de loi visant à introduire un mécanisme d’extension des conventions collectives sectorielles. Le gouvernement d’Anastasiades, qui a pris ses fonctions en mars 2013, a révoqué le projet de loi. Par la suite, le président de la commission du travail de la Chambre des représentants a soumis à nouveau le projet de loi avec des modifications mineures et essentielles. À la fin de l’année 2022, le projet de loi était toujours entre les mains de la commission du travail et n’avait pas encore été inscrit à l’ordre du jour prioritaire de la commission.
Une sorte de mécanisme d’extension a été introduit par la loi en mai 2020. La législation est spécifique à l’industrie de la construction. La loi étend les cinq dispositions suivantes de la convention collective sectorielle à l’ensemble des travailleurs de l’industrie : (1) les jours fériés, (2) une caisse de prévoyance, (3) le temps de travail, (4) la rémunération des heures supplémentaires et (5) un 13e salaire payable aux travailleurs en décembre.
En ce qui concerne l’indexation des salaires qui s’applique aux résultats des négociations collectives, tous les employés sont couverts, qu’ils soient membres d’un syndicat ou non.
Une dérogation est possible, mais on ne dispose pas de chiffres concrets sur son ampleur pour Chypre. Le DLR a signalé pour 2012 qu’il y avait une augmentation du nombre d’employeurs qui ont introduit des changements unilatéraux aux conditions d’emploi, ce qui, dans la plupart des cas, a entraîné une violation partielle des conventions collectives et une diminution du nombre de personnes couvertes. Une violation partielle signifie soit que toutes les dispositions de l’accord n’ont pas été respectées, soit que seule une petite partie du personnel a été couverte (les personnes couvertes étant généralement des employés permanents membres d’un syndicat).
Les clauses introductives sont plus courantes depuis 2012, en raison de la crise économique. Il n’existe pas de cadre législatif ou institutionnel pertinent et, avant 2008, les clauses introductives n’étaient pas utilisées. Il convient de noter qu’à Chypre, au lieu de parler de « clause d’ouverture », les partenaires sociaux préfèrent faire référence à des « accords spéciaux/ad hoc » (ou à des dispositions d’un accord existant) qui prennent la forme d’une clause de rigueur à la suite de la crise économique. La CEO a déclaré que, depuis 2012, la plupart des renouvellements ont été effectués dans le cadre de ce type d’entente, étant conclus pour une courte période, généralement d’un an. En ce qui concerne leur contenu, ces accords spéciaux/ad hoc se réfèrent presque exclusivement à la rémunération et au temps de travail. Dans la pratique, les accords ad hoc fonctionnent comme des accords-cadres, permettant des écarts par rapport à l’accord initial, tandis que les écarts individuels ont lieu au niveau de l’entreprise, en fonction des conditions particulières auxquelles chaque entreprise est confrontée. Alors que l’économie renouait avec des taux de croissance positifs, à partir du second semestre 2015, les principaux syndicats du secteur privé ont commencé à se concentrer sur la récupération de toutes les conditions prévues par les conventions collectives.
Jusqu’à leur renouvellement, les accords précédents restent généralement en vigueur. De l’avis du Bureau de l’équité salariale, il s’agit toutefois d’une zone grise dans laquelle il n’est pas clair ce qui est en vigueur ou non. Dans ce contexte, le Bureau a souligné qu’en raison de la crise économique, il y a eu plus de retards dans le renouvellement des conventions collectives de travail et que, par conséquent, de nombreux travailleurs, tant dans des entreprises individuelles que dans des secteurs entiers de l’activité économique, ne sont pas couverts par les conditions d’emploi de base.
Toutes les conventions collectives ne contiennent pas de clause de paix, et les conventions collectives qui ont une clause de paix renvoient de toute façon aux dispositions de l’IRC. L’IRC n’est qu’un « gentleman’s agreement » et ne produit donc pas d’obligations juridiques. Toutefois, les partenaires sociaux participant à la négociation collective respectent ses dispositions. L’IRC traite de la paix sociale en fonction de la nature du conflit. Pour les conflits d’intérêts (conflit découlant de négociations en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective ou du renouvellement d’une convention collective existante), l’IRC prévoit que les parties ne doivent pas recourir à une action collective ni pendant la durée de validité d’une convention collective, ni pendant la médiation, l’arbitrage ou l’enquête publique.
En cas de litiges relatifs à des griefs (définis comme des litiges découlant de l’interprétation et/ou de la mise en œuvre de conventions collectives existantes ou de conditions d’emploi existantes ou d’une plainte personnelle, y compris une plainte relative à un licenciement), les parties s’engagent à ne recourir à aucune action revendicative. Les syndicats peuvent recourir à des actions collectives si un employeur, contre les recommandations de la MLSI, viole de manière flagrante une disposition de la convention collective.
En termes de contenu, la négociation collective est plutôt limitée et couvre des questions traditionnelles telles que les salaires et le temps de travail. D’autres questions liées à l’emploi et aux conditions de travail individuelles sont considérées comme d’importance secondaire.