Profil de la vie professionnelle en France
Ce profil décrit les principales caractéristiques de la vie professionnelle en France. Il vise à fournir des informations de base pertinentes sur les structures, les institutions, les acteurs et les réglementations pertinentes concernant la vie professionnelle.
Il s’agit notamment d’indicateurs, de données et de systèmes réglementaires sur les aspects suivants : acteurs et institutions, relations collectives et individuelles de travail, santé et bien-être, rémunération, temps de travail, compétences et formations, égalité et non-discrimination au travail. Les profils sont systématiquement mis à jour tous les deux ans.
La préoccupation centrale des relations de travail est la gouvernance collective du travail et de l’emploi. Cette section se penche sur la négociation collective en France.
En France, la négociation collective s’est principalement déroulée au niveau sectoriel. En règle générale, des accords centraux sont conclus entre les organisations patronales et les syndicats au niveau sectoriel. Par la suite, les partenaires sociaux demandent fréquemment au ministère du Travail l’extension de la plupart des dispositions de l’accord, ce qui est accordé dans pratiquement tous les cas. Par conséquent, le taux de couverture de la négociation collective est estimé à plus de 90 %. La décentralisation de la négociation sectorielle a débuté au début des années 1980 (avec l’entrée en vigueur des lois Auroux), mais le principe de faveur, qui interdit aux accords d’entreprise de prévoir des dispositions moins favorables que les accords de niveau supérieur, a été maintenu. Ce principe a été dilué par les réformes de 2004, 2008 et 2013. Avec la réforme du droit du travail de 2016, la négociation collective a été davantage décentralisée, car la loi donne la priorité aux accords d’entreprise sur ceux au niveau sectoriel ou sur la loi elle-même si cette dernière le prévoit. Ce renversement est prévu depuis le 1er janvier 2017 dans le cadre de la législation sur le temps de travail.
La couverture de la négociation salariale est remarquablement élevée en France, et les chiffres de l’enquête européenne auprès des entreprises semblent sous-estimer la couverture réelle. En réalité, la quasi-totalité des salariés sont couverts par des accords salariaux sectoriels nationaux. Les dernières données nationales disponibles sont désuètes, mais elles montrent que la couverture est passée de 93,7 % à 97,7 % pour les employés du secteur privé entre 1997 et 2004. L’enquête sur laquelle ces chiffres sont basés (enquête sur l’activité et les conditions de travail) a été supprimée. Des données récentes de l’OCDE estiment également cette part à 98 %.
Couverture de la négociation salariale collective des employés, tous les niveaux
| % (year) | Source |
| 98 (2018) | OECD and AIAS, 2021 |
| 83 (2013) | European Company Survey 2013 |
| 90 (2019) | European Company Survey 2019 |
| 99 (2010) | Structure of Earnings Survey 2010* |
| 99 (2014) | Structure of Earnings Survey 2014* |
| 100 (2018) | Structure of Earnings Survey 2018* |
| Close to 100 (2020) | Authors’ estimates (for private enterprises) |
Note: * Pourcentage d’employés travaillant dans des unités locales où plus de 50 % des employés sont couverts par une convention collective salariale par rapport au nombre total d’employés qui ont participé à l’enquête.
Sources : Eurofound, enquête européenne sur les entreprises 2013/2019 (y compris les entreprises du secteur privé ayant des établissements de plus de 10 salariés (codes NACE B à S) ; la question de l’enquête était une question à choix multiples et des réponses multiples étaient possibles) ; Eurostat [earn_ses10_01], [earn_ses14_01], [earn_ses18_01] (y compris les entreprises de plus de 10 salariés (codes NACE B à S, à l’exclusion des codes O), avec une réponse unique pour chaque unité locale) ; OCDE et AIAS, 2021 ; estimations des auteurs.
Le temps de travail est fixé par la loi, mais son organisation est négociée au niveau de l’entreprise et au niveau sectoriel. Le législateur ayant rendu obligatoire la négociation au niveau de l’entreprise, c’est surtout au niveau de l’entreprise que sont renégociés les aménagements du temps de travail qui diffèrent de la semaine légale de 35 heures. Les salaires sont négociés principalement au niveau sectoriel, mais aussi fréquemment au niveau de l’entreprise, car la législation stipule que les employeurs (dans les entreprises de plus de 50 employés) doivent lancer chaque année des négociations salariales. Cependant, le salaire minimum est fixé par la loi et doit être respecté par des accords sectoriels et d’entreprise.
Une restructuration des conventionscollectives de brancheest en cours depuis 2016, après avoir été lancée par la publication d’un décret fixant la procédure de restructuration. L’objectif est de réduire, sur trois ans, le nombre de secteurs de 700 à environ 200. La réforme du droit du travail de 2017 a accéléré ce processus, avec l’objectif d’atteindre 100 secteurs et de permettre au ministre du Travail de fusionner les secteurs à partir du 10 août 2018, plutôt qu’à partir du 10 août 2019. À la fin de 2021, la Darès (2023b) avait enregistré environ 265 conventions collectives sectorielles principales, couvrant chacune au moins 5 000 employés.
Niveaux de négociation collective, 2022
| National level (intersectoral) | Sectoral level | Company level | ||||
| Wages | Working time | Wages | Working time | Wages | Working time | |
| Principal or dominant level | x | x | ||||
| Important but not dominant level | x | |||||
| Existing level | x | |||||
Articulation
La réforme du droit du travail de septembre 2017 a réduit l’importance des accords sectoriels et a placé les accords d’entreprise au centre du système de négociation collective. L’ordonnance n° 2017-1385 énumère des thèmes spécifiques (tels que les salaires minimaux) pour lesquels les accords sectoriels restent en vigueur. Il comprend également une liste limitée de sujets pour lesquels l’accord spécifique détermine s’il prime sur les accords au niveau de l’entreprise. Les accords sectoriels s’appliqueront à toutes les autres questions en l’absence d’accords au niveau de l’entreprise. Par conséquent, pour de nombreuses questions, les accords au niveau de l’entreprise restent en vigueur.
Il n’y a pas de tendance claire, mais l’activité de négociation salariale atteint son apogée au début et à la fin de l’année, ainsi que dans les mois précédant les vacances d’été en août.
La décentralisation de la négociation collective conduit à une très faible coordination de la négociation salariale. Les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise disposent d’une grande autonomie pour négocier les modifications salariales, car seuls les taux minimaux sont négociés au niveau sectoriel. En 2022, dans plus de 39 secteurs, les salaires minimums négociés étaient encore inférieurs au salaire minimum légal, qui doit être respecté. Il y a peu de coordination horizontale (c’est-à-dire peu de coordination entre les secteurs).
Les mécanismes d’extension sont largement utilisés. Cette pratique consiste à déclarer les termes d’une convention collective, négociée entre les organisations représentatives d’une branche d’activité, applicables à l’ensemble des salariés et employeurs de ce sous-secteur. Pour prolonger une convention collective, les partenaires sociaux doivent demander au ministère du Travail de prendre un arrêté ministériel. Un grand nombre d’accords salariaux sectoriels nationaux sont étendus, ce qui se traduit par des taux de couverture très élevés.
Une nouvelle législation sur la négociation collective adoptée en 2008 permet aux accords d’entreprise de déroger au principe de faveur, mais exclut explicitement les niveaux de salaire minimum négociés au niveau sectoriel. Des changements récents ont introduit la possibilité que des accords au niveau de l’entreprise offrent des salaires moins favorables en échange de la sécurité de l’emploi lorsque les entreprises sont confrontées à des difficultés économiques. La réforme du droit du travail de 2016 a élargi la possibilité d’accorder une rémunération moins favorable pour les heures supplémentaires. Par exemple, le nouveau règlement prévoit qu’un accord d’entreprise ou, en l’absence d’un tel accord, un accord sectoriel fixe le taux pour les heures travaillées au-delà du maximum légal. Toutefois, ce taux ne peut être inférieur au supplément légal de 10 %. Cela signifie que les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise pourraient convenir d’un paiement supplémentaire de 15 %, même si l’accord au niveau sectoriel prévoit 20 %.
Il est très rare que les conventions collectives comportent des dispositions comportant des clauses d’ouverture ou des clauses d’exclusion. Cependant, la réforme du droit du travail de 2017 permet d’adapter les accords sectoriels à la taille de l’entreprise. Par exemple, certaines des stipulations de ces ententes peuvent ne pas couvrir les petites entreprises.
En règle générale, les accords salariaux sectoriels n’expirent pas. Les partenaires sociaux négocient chaque année au niveau sectoriel. Si aucun accord ne peut être conclu, l’accord précédent reste en vigueur.
L’idée d’inclure des clauses de paix dans les conventions collectives est inédite en France, car elle pourrait être considérée comme une violation du droit constitutionnel de grève.
En matière de participation financière, l’intéressement et l’épargne salariale sont les sujets les plus fréquents dans les conventions collectives conclues au niveau de l’entreprise (thème de 34.120 conventions en 2021, sur un total de 76.820). Les autres principaux enjeux sont les salaires et les primes (17 869 accords), le temps de travail (16 800 accords), les conditions de travail (6 070 accords) et l’égalité des sexes (5 710 accords). C’est également une conséquence de la législation qui oblige les partenaires sociaux à négocier régulièrement sur les questions de genre. L’engagement des partenaires sociaux à négocier est dû à l’environnement historique des relations industrielles, car les entreprises sont obligées de négocier annuellement sur une série de sujets (par exemple, les salaires, le temps de travail, l’organisation du travail, l’assurance maladie collective, la participation financière) ou sur une base pluriannuelle (égalité des sexes, emploi des travailleurs handicapés). Généralement, l’engagement est de négocier, mais pas de parvenir à un accord. Toutefois, l’employeur doit parvenir à un accord avec les salariés sur les questions liées à l’égalité des sexes et aux travailleurs âgés, ou, si les partenaires sociaux ne parviennent pas à se mettre d’accord, adopter un plan d’action. L’évaluation annuelle de la négociation collective, lancée par le ministère du Travail, donne un aperçu des principaux sujets négociés au niveau des secteurs et des entreprises.